Seminaire: Mais que veut donc le peuple?

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Seminaire: Mais que veut donc le peuple?

By : Jadaliyya Reports

Ce séminaire est organisé par Habib Ayeb (Université Paris 8), François Ireton (CNRS) et Vincent Battesti (CNRS). Il aura lieu deux fois par mois le mercredi de 15h à 18h à l’Université de Paris 8 Vincennes à Saint-Denis (bâtiment D, salle D008, rez-de-chaussée, station de Métro "Saint Denis-Université", terminus de la ligne 13).

Parmi les slogans, revendications et mots d’ordre qui ont fleuri durant les contestations et soulèvements qu’ont connus certains pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient durant les années 2011-2015 (à ne considérer que la période inaugurée par la chute de la dictature en Tunisie et en Égypte), nombre d’entre eux (le "pain", la justice sociale, la dignité) concernaient la structure sociale et ses inégalités en leurs différentes dimensions (rapports sociaux économiques de production et de répartition des revenus et des ressources, rapports sociaux de genre, accès aux biens et services publics en matière de santé, d’éducation et autres, etc.). Or ces aspects économiques et sociaux, à propos desquels des revendications, mobilisations et grèves sectorielles et épisodiques avaient souvent devancé le déclenchement des soulèvement de 2011, ont nettement moins retenu l’attention, dans les médias comme dans les travaux de sciences sociales, que les aspects proprement politiques—certes fondamentaux—des soulèvements (évolution des rapports de forces politiques) et des revendications (demande de démocratie, d’un État de droit, de respect des libertés individuelles et publiques et de démission des dirigeants).

Le séminaire Les révolutions en Tunisie et en Égypte: et si on parlait d’autres choses…  (année académique 2014-2015–douze séances et deux journées de clôture) s’est consacré à ces deux pays d’où est "parti" le processus révolutionnaire. L’idée avait été d’explorer les "causes" sociales et économiques qui étaient en partie à l’origine de ce processus et d’examiner comment celui-ci avait été vécu. La ressemblance étonnante du déroulement des évènements dans les deux pays, au moins jusqu’à la fin juin 2013, justifiait ce choix et offrait un "cadre" pour une démarche comparative visant à mettre en relief ce qui relève des réalités et des conditions locales et ce qui relève des dynamiques globales. Les riches et pertinentes contributions des intervenant(e)s ont, à chaque fois, provoqué des débats tout aussi enrichissants qui ont permis de mieux saisir certaines réalités locales et de discuter les analyses proposées.

Le bilan positif de cette première année du séminaire nous incite à le prolonger pour l’année académique qui vient (2015-2016), tout en l’élargissant spatialement à l’ensemble des pays de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient qui ont connu des processus similaires et, thématiquement, aux dynamiques des inégalités socio-économiques et spatiales. Ainsi, nous proposons d’élargir les analyses et le débat autour du thème suivant: "Dynamiques et inégalités socioéconomiques et spatiales et soulèvements au Maghreb et au Moyen-Orient".

Lors des soulèvements récents (et même là où la contestation n’a pu s’exprimer ouvertement), les structures économiques et sociales ont été stigmatisées pour leur caractère inégalitaire, voire discriminatoire, et perçues et jugées explicitement comme injustes par les manifestants et des fractions importantes de "l’opinion publique" non directement mobilisée. Ce séminaire veut—en réaction à cette tendance à la focalisation sur les seuls aspects politiques, qui reflète en partie les priorités des acteurs prééminents des soulèvements—présenter, en une douzaine de séances de trois heures et deux journées finales, des descriptions fines et contextualisées et des analyses, explicitement fondées en théories, des dynamiques inégalitaires récentes (avant, pendant et après les soulèvements—quand il y en eut et sans préjuger de leur reprise éventuelle) de certains aspects précis de ces structures socioéconomiques et spatiales.

Dans l’analyse de l’évolution de ces structures, l’on tentera de démêler les différents facteurs, contraintes et processus à l’œuvre dans la production-reproduction des inégalités qui les caractérisent, parmi lesquels—bien évidemment mais pas exclusivement — le poids des politiques économiques et sociales menées par les régimes qui ont fait l’objet de contestations, exprimées en termes d’injustices sociales par les différents groupes sociaux parties prenantes des événements. Le politique n’est donc nullement évacué des préoccupations du séminaire, mais il ne sera pas considéré—comme il le fut souvent par les acteurs des événements—dans une relation simple de cause à effet, même s’il est largement intriqué avec l’ensemble des facteurs ayant déterminé les évolutions économiques et sociales inégalitaires récentes considérées.

L’accent sera donc mis dans ce séminaire sur les inégalités, leurs « croisements », leurs systèmes et leurs dynamiques, ceci dans les différents domaines de la vie sociale des pays arabes : inégalités (a) de ressources, de conditions, d’accès, de chances, de statut ou de "capabilités", (b) dans les domaines économiques (revenus, emploi, allocation spatiale des–et accès local aux–ressources…), dans ceux de la santé, de l’éducation, etc., (c) entres catégories socioprofessionnelles (CSP) bien sûr, mais aussi de genre, ethniques, et entre entités spatiales (différentes régions dans un même pays ou quartiers dans une même ville). On insistera sur les inégalités liées, formant « système », ainsi que sur les inégalités croisées qui rendent compte de l’existence de populations particulièrement défavorisées, marginalisées, voire stigmatisées (par exemple, en croisant genre, CSP, ethnie et région : les femmes ouvrières agricoles d’origines étrangères—minorités "visibles" ou "invisibles"—dans une région périphérique).

Si les inégalités de genre sont souvent évoquées s’agissant des pays arabes, une certaine vulgate–qui s’explique en partie par des problèmes techniques de mesure des inégalités de revenus–veut que les inégalités économiques, elles, y soient modérées (de "type asiatique", par contraste avec le "type latino-américain") ; or des travaux récents, renouvelant la méthodologie de leur mesure, ont remis en question cette vulgate (ceux de Alvaredo et Piketty sur le Moyen Orient et l’Égypte en particulier, par exemple). Nous tenterons de faire le point sur ce débat et d’explorer la dynamique de ces inégalités durant les vingt-cinq dernières années, en restituant leur véritable ampleur. Les inégalités sociales devant la santé et l’éducation, quant à elles, sont globalement peu explorées dans les pays arabes, mais quelques travaux approfondis et novateurs ont été effectués dans ces domaines, concernant en particulier le Maroc, dont leurs auteurs rendront compte. Tout en se focalisant essentiellement sur les résultats empiriques de ces recherches sur les inégalités et leurs facteurs explicatifs, l’on ne négligera pas d’aborder, de manière le moins technique possible, les méthodes employées pour les mesurer et les théories qui forment le cadre de leur explication, de manière à montrer les difficultés concrètes (techniques, institutionnelles et politiques) qui concernent les recherches sur ces phénomènes cruciaux dans les pays arabes. Une séance sera consacrée à une description comparée des niveaux actuels et évolutions récentes des inégalités économiques, de santé et d’éducation dans les différents pays arabes, ceci sur la base de l’Indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI), mis au point récemment par le PNUD.

Par ailleurs, à côté de cette thématique majeure des inégalités, pour être en prise sur une actualité agitée tout en maintenant le nécessaire recul analytique, certaines autres séances du séminaire tenteront d’apporter des éclairages partiels sur les transformations brutales des structures socio-économiques et démographiques des pays arabes qui connaissent actuellement des conflits internes extrêmement violents, tels la Syrie, l’Irak, le Yémen et la Libye; ceci bien que les conditions matérielles et politiques qui y règnent rendent difficiles la description et l’analyse de ces bouleversements structurels qui auront, quoiqu’il arrive, un impact durable sur l’avenir de ces pays.

Calendrier du premier semestre (5 séances)

Mercredi 14 Octobre 2015
Présentation générale du séminaire par les organisateurs
Habib Ayeb : Soixante ans de politiques agricoles en Tunisie : origines et dynamiques des processus de dépossession des petites paysanneries tunisiennes.
(H. Ayeb est géographe, enseignant-chercheur au Département de géographie, Université Paris 8 Vincennes à Saint-Denis, Laboratoire Mosaïques, UMR LAVUE–ex-GECKO)

Mercredi 28 Octobre 2015
Omar Bessaoud : Agriculture, paysannerie et monde rural en Algérie à l’épreuve des politiques libérales (1990- 2015).
(Omar BESSAOUD est économiste, administrateur scientifique et enseignant-chercheur au CIHEAM-IAM, Montpellier)

Mercredi 18 Novembre 2015
Virginie Collombier : Compétition, négociation et exclusion dans la Libye post-Qadhafi.
(Virginie Collombier est politologue, chercheuse au Centre Robert Schuman–Institut Universitaire Européen, Florence, et au Norwegian Peacebuilding Resource Center (NOREF), Oslo)

Mercredi 2 Décembre 2015
François Ireton : L’évolution des inégalités sociales (économiques, d’éducation et de santé) dans les pays arabes : sources, mesures, analyses des situations actuelles et des tendances récentes (1980-2012).
(François Ireton est socio-économiste, ingénieur d’étude (retraité) au CNRS)

Mercredi 16 Décembre 2015
Eric Verdeil : Luttes sociales au prisme d’une écologie politique urbaine. Le cas de l’énergie : Liban, Jordanie et Tunisie.
(Eric Verdeil est géographe, spécialiste de géographie urbaine, chercheur au CNRS, UMR Environnement Ville Société (Lyon), et chargé d’enseignement à l’Institut des Sciences Politiques (Paris))

[Source: https://habibayeb.wordpress.com/2015/08/10/mais-que-veut-donc-le-peuple/]

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Past is Present: Settler Colonialism Matters!

On 5-6 March 2011, the Palestine Society at the School of Oriental and African Studies (SOAS) in London will hold its seventh annual conference, "Past is Present: Settler Colonialism in Palestine." This year`s conference aims to understand Zionism as a settler colonial project which has, for more than a century, subjected Palestine and Palestinians to a structural and violent form of destruction, dispossession, land appropriation and erasure in the pursuit of a new Jewish Israeli society. By organizing this conference, we hope to reclaim and revive the settler colonial paradigm and to outline its potential to inform and guide political strategy and mobilization.

The Israeli-Palestinian conflict is often described as unique and exceptional with little resemblance to other historical or ongoing colonial conflicts. Yet, for Zionism, like other settler colonial projects such as the British colonization of Ireland or European settlement of North America, South Africa or Australia, the imperative is to control the land and its resources -- and to displace the original inhabitants. Indeed, as conference keynote speaker Patrick Wolfe, one of the foremost scholars on settler colonialism and professor at La Trobe University in Victoria, Australia, argues, "the logic of this project, a sustained institutional tendency to eliminate the Indigenous population, informs a range of historical practices that might otherwise appear distinct--invasion is a structure not an event."[i]

Therefore, the classification of the Zionist movement as a settler colonial project, and the Israeli state as its manifestation, is not merely intended as a statement on the historical origins of Israel, nor as a rhetorical or polemical device. Rather, the aim is to highlight Zionism`s structural continuities and the ideology which informs Israeli policies and practices in Palestine and toward Palestinians everywhere. Thus, the Nakba -- whether viewed as a spontaneous, violent episode in war, or the implementation of a preconceived master plan -- should be understood as both the precondition for the creation of Israel and the logical outcome of Zionist settlement in Palestine.

Moreover, it is this same logic that sustains the continuation of the Nakba today. As remarked by Benny Morris, “had he [David Ben Gurion] carried out full expulsion--rather than partial--he would have stabilised the State of Israel for generations.”[ii] Yet, plagued by an “instability”--defined by the very existence of the Palestinian nation--Israel continues its daily state practices in its quest to fulfill Zionism’s logic to maximize the amount of land under its control with the minimum number of Palestinians on it. These practices take a painful array of manifestations: aerial and maritime bombardment, massacre and invasion, house demolitions, land theft, identity card confiscation, racist laws and loyalty tests, the wall, the siege on Gaza, cultural appropriation, and the dependence on willing (or unwilling) native collaboration and security arrangements, all with the continued support and backing of imperial power. 

Despite these enduring practices however, the settler colonial paradigm has largely fallen into disuse. As a paradigm, it once served as a primary ideological and political framework for all Palestinian political factions and trends, and informed the intellectual work of committed academics and revolutionary scholars, both Palestinians and Jews.

The conference thus asks where and why the settler colonial paradigm was lost, both in scholarship on Palestine and in politics; how do current analyses and theoretical trends that have arisen in its place address present and historical realities? While acknowledging the creativity of these new interpretations, we must nonetheless ask: when exactly did Palestinian natives find themselves in a "post-colonial" condition? When did the ongoing struggle over land become a "post-conflict" situation? When did Israel become a "post-Zionist" society? And when did the fortification of Palestinian ghettos and reservations become "state-building"?

In outlining settler colonialism as a central paradigm from which to understand Palestine, this conference re-invigorates it as a tool by which to analyze the present situation. In doing so, it contests solutions which accommodate Zionism, and more significantly, builds settler colonialism as a political analysis that can embolden and inform a strategy of active, mutual, and principled Palestinian alignment with the Arab struggle for self-determination, and indigenous struggles in the US, Latin America, Oceania, and elsewhere.

Such an alignment would expand the tools available to Palestinians and their solidarity movement, and reconnect the struggle to its own history of anti-colonial internationalism. At its core, this internationalism asserts that the Palestinian struggle against Zionist settler colonialism can only be won when it is embedded within, and empowered by, the broader Arab movement for emancipation and the indigenous, anti-racist and anti-colonial movement--from Arizona to Auckland.

SOAS Palestine Society invites everyone to join us at what promises to be a significant intervention in Palestine activism and scholarship.

For over 30 years, SOAS Palestine Society has heightened awareness and understanding of the Palestinian people, their rights, culture, and struggle for self-determination, amongst students, faculty, staff, and the broader public. SOAS Palestine society aims to continuously push the frontiers of discourse in an effort to make provocative arguments and to stimulate debate and organizing for justice in Palestine through relevant conferences, and events ranging from the intellectual and political impact of Edward Said`s life and work (2004), international law and the Palestine question (2005), the economy of Palestine and its occupation (2006), the one state (2007), 60 Years of Nakba, 60 Years of Resistance (2009), and most recently, the Left in Palestine (2010).

For more information on the SOAS Palestine Society 7th annual conference, Past is Present: Settler Colonialism in Palestine: www.soaspalsoc.org

SOAS Palestine Society Organizing Collective is a group of committed students that has undertaken to organize annual academic conferences on Palestine since 2003.

 


[i] Patrick Wolfe, Settler Colonialism and the Transformation of Anthropology: The Politics and Poetics of an Ethnographic Event, Cassell, London, p. 163

[ii] Interview with Benny Morris, Survival of the Fittest, Haaretz, 9. January 2004, http://cosmos.ucc.ie/cs1064/jabowen/IPSC/php/art.php?aid=5412